Comment mes sérigraphies prennent vie — Dans les coulisses de l'atelier Murotopia
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Chaque impression commence bien avant que l'encre ne touche le papier.
Entre observation et intuition, une forme apparaît — un fragment de mouvement, un rythme, une structure microscopique qui semble vivante.
Dans cet article, j’ouvre simplement la porte du studio pour montrer comment ces observations deviennent une sérigraphie : de la première idée à la dernière couche de couleur.

De l'observation à la composition
La plupart de mes idées viennent du monde microscopique : connexions, membranes, réseaux en mouvement.
Je ne reproduis pas ce que je vois. Je l’interprète.
Je cherche l’équilibre, la direction, la structure — et je les transforme en formes capables de vivre sur le papier.
Au studio, ces impressions deviennent des compositions.
Les lignes évoluent, les proportions s’ajustent, et l’image trouve sa place.
C’est un dialogue entre l’observation scientifique et l’intention artistique.
« Je ne peins pas des cellules. Je peins ce qu’elles m’apprennent sur l’énergie, l’équilibre et le mouvement.»

Préparation des écrans : séparations, typons, émulsion
Avant d’imprimer la moindre couleur, chaque teinte nécessite son propre écran.
1. Séparation des couleurs
L’œuvre est décomposée en couches distinctes — une par couleur.
C’est cette étape qui détermine la manière dont l’image se construira lors de l’impression.
2. Typon (film transparent opaque)
Chaque couche est imprimée sur un film noir à fort contraste.
Ces typons définissent précisément les zones où la lumière atteindra (ou non) l’écran.
3. Couchage de l’émulsion
Les écrans sont enduits d’une émulsion photosensible dans l’obscurité.
Lumière, humidité et temps de séchage comptent — la couche doit être uniforme et propre.
4. Insolation
L’écran est exposé aux UV avec le typon posé dessus.
Là où le noir bloque la lumière, l’émulsion reste molle et se rince à l’eau.
Ces zones ouvertes sont celles par lesquelles l’encre passera.
Cette phase est technique et sensible — la netteté des lignes, l’opacité du film, le temps d’exposition et la sécheresse de l’émulsion influencent directement le rendu final.
Construire couche après couche
La sérigraphie est un processus de construction — couche par couche.
Chaque couleur est imprimée séparément, à l'aide de sa propre trame, de sorte que l'image se construit progressivement, avec rythme et précision.
En atelier, je mélange chaque couleur à la main, guidée à la fois par ma vision et mon expérience.
Certaines couches sont denses, d'autres translucides, chacune interagissant différemment avec le papier.
Entre l'humidité, le temps de séchage et la pression de la raclette, le résultat dépend d'un équilibre subtil.
L'atelier se transforme presque en laboratoire : lumière contrôlée, concentration silencieuse, une certaine température, le bruit de l'encre qui se dépose.
Lorsque tous les éléments sont alignés — tension de la maille, repérage, synchronisation — l'impression révèle sa structure finale.
Non pas par hasard, mais grâce à un dialogue entre la matière et l'attention.

Précision et équilibre
Ce que j'aime dans la sérigraphie, c'est cette négociation constante entre les éléments.
L'encre réagit différemment selon l'air, la tension du tamis ou la durée de son repos.
L'alignement doit être précis ; le séchage, parfaitement synchronisé.
Ce n'est pas du hasard, c'est du calibrage.
Chaque impression réclame son propre équilibre, et c'est ce qui donne au processus toute sa vitalité et son caractère captivant.
D'une certaine manière, c'est similaire à la biologie : des systèmes en mouvement, maintenus ensemble par des paramètres invisibles.
Chaque couche soutient la suivante — structure et fluidité, parfaitement coexistantes.

En quoi cela diffère-t-il des impressions numériques ?
On me demande souvent ce qui distingue une sérigraphie d'une impression numérique.
La réponse se ressent immédiatement en main.
Une impression numérique est plate.
Une sérigraphie a de la substance .
Ici, chaque couche de couleur est physiquement déposée sur le papier.
On peut le voir, mais plus important encore, on peut le sentir : la densité de l'encre, le léger relief aux endroits où les couches se chevauchent, la façon dont la surface réagit à la lumière.
Le papier que j'utilise est plus épais, plus tactile, plus proche des matériaux que je choisis pour mes peintures.
Et comme je mélange moi-même les encres, les couleurs correspondent à mes toiles :
Les mêmes pigments, la même profondeur, la même intensité.
Ce n'est pas une reproduction de l'œuvre.
C'est une autre version, réalisée avec le même souci du détail et du choix des couleurs.
C’est pourquoi une sérigraphie ne donne pas l’impression d’être sortie d’une machine.
Elle ressemble à quelque chose né dans un atelier.

Éditions limitées, variations subtiles
Chaque tirage appartient à une série limitée — créée à partir du même ensemble d'écrans, de couleurs et d'alignement.
Elles sont censées être identiques, pourtant de petites variations apparaissent inévitablement : une couche d'encre légèrement plus dense, un changement microscopique de ton, la trace d'un geste.
Ces nuances ne sont pas des erreurs ; elles font partie intégrante de la réalité matérielle du processus.
Le nombre restreint d'éditions garantit la cohérence et la concentration.
Cela me permet de suivre chaque impression de près, de maintenir le même dialogue de précision à travers toute la série.
Chaque exemplaire doit avoir le même rythme, le même équilibre visuel — c'est ce qui donne sa cohérence à une édition Murotopia.
« Un tirage peut répéter une structure, jamais un moment. »

Pourquoi je partage ce processus
Je partage cette partie de mon travail car c'est là que tout se rejoint : la technique, l'observation, l'intuition.
Derrière chaque pièce finie, il y a le calibrage, la répétition, l'ajustement — la partie silencieuse qui reste généralement invisible.
Montrer le processus est une façon d'ouvrir cet espace.
Il ne s'agit pas de révéler un secret, mais de partager comment l'image se stabilise, comment la matière et le rythme trouvent leur équilibre.
C’est là l’essence même de Murotopia : révéler la structure qui se cache derrière ce qui semble naturel, et inviter les autres à percevoir la vie qui se cache derrière la précision.

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Texte © Murotopia Studio — Eilena Braye, 2025